28 July 2006

PREFACE

Le Luxe Préface


- vous descendez les Champs, et tournez à droite au rond point !
Voilà ma préface au luxe. Jeune australienne, je débarque à Paris pendant la morosité des « années chômage ». Alors que l’Avenue Montaigne, sereine, est en veille, j’aspire à intégrer cet univers de dépassement de soi et de la recherche de l’excellence. C’est une perspective excitante et un « challenge ».

1993
Rien ne me prépare à évoluer dans cette industrie, si ce n’est l’amour des choses bien faites. Forte d’une première expérience dans la vente et de la candeur de ma jeunesse, je m’attaque aux bastions de l’élégance à la recherche d’un poste.

Je débute d’abord chez Monsieur Saint Laurent, Jacques Fath et ensuite Jil Sander. Vendeuse au sein de l’ancien hôtel particulier de la maison de Madeleine Vionnet, j’observe attentivement cette industrie en pleine évolution. Des métiers se créent. Les directrices de magasin ne sortent plus des rangs des vendeuses mais des bancs d’écoles de commerce. Les achats, rationalisés, leur sont confisqués et confiés à des professionnels du marketing. Le produit n’est plus phare. Il intègre une nouvelle notion : celle de l’ « Image » de la maison. Les étalagistes, devenus « visual merchandisers », travaillent à l’international pour calibrer cette image. Les collections perdent leur sens de rareté, et deviennent des stocks à taux de rotation. En pleine phase de consolidation, les maisons se transforment en marques et forment des groupes. Leur évolution se lisent à la une du « Wall Street Journal »

1998
Nous sommes en plein boom économique et du besoin d’afficher sa réussite personnelle par des produits griffées « cher ». La notion du produit de luxe, issue d’un procédé d’innovation, de création et de savoir faire est sacrifiée au bénéfice du « bottom line ». Avec tristesse je vois Jil Sander revendre sa maison. Elle n’est pas une styliste « diva ». L’ère des choses bien faites est révolue. Les experts en marketing exploitent le désir de s’identifier aux marques, banalisent le logo et créent des « household names ». La quantité de pièces vendues croît de façon exponentielle grâce à des produits d’appel accessible à tous. Les réseaux retail s’élargissent pour faire face au débit. Les magasins s’appellent désormais des « point of sale », miroir d’un marketing étudié jusqu’aux équipes de vente stylisés pour s’accorder au concept. Une nouvelle clientèle émerge : les consommateurs du luxe. En tant que personnel de magasin je tente d’expliquer à ces consommateurs pourquoi leurs baskets ou lunettes n’avaient résistées que dix jours. Le logo n’est plus synonyme de qualité, mais cela je ne peux le dire. Les services après-vente grossissent. Plusieurs maisons sous-traitent leur production aux mêmes fournisseurs et les produits se ressemblent. La rareté du produit, étouffée par le volume, est proscrite.

L’estampe du luxe est partout. Les dirigeants doivent répondre à des actionnaires, l’expansion est globale, puis……..

Septembre 2001
Encore sur la lancée des envolées du désir, les collections de septembre sonnent fausses. Elles sont trop ostentatoires, trop flashy pour cette époque triste. Les clients me confient ressentir cela comme déplacé au regard de l’austérité du contexte mondial. Les grands groupes lestés par leur taille manque de réactivité.
Petit à petit cette l’industrie renoue avec ses valeurs originelles : les créateurs face aux artisans, l’inventivité et l’excellence de la réalisation. Les maisons qui ont fui le « star système » rencontrent moins de problèmes que leurs concurrents. Les gammes de produits dérivés sont réduites. La maison pour laquelle je travaille redécouvre que le sac à main est son cœur de métier et le management nous demande de nous concentrer sur ce produit.

2004
Je me suis investie complètement dans mon métier durant ces années de changement, passant de postes à la vente à celui de merchandiser et acheteuse pour ensuite prendre des fonctions de management. Je suis devenue directrice de magasin Prada.
Après avoir fait le dos rond les marques misent sur le service et privilégient leur rapport avec la clientèle. Dans le cadre de mon poste, une de mes priorités devient l’identification des besoins des différents groupes d’acheteurs. On bichonne ceux qui peuvent et veulent encore dépenser. Les systèmes d’information se perfectionnent permettant des méthodes de suivi de cette population sophistiquées. On parle d’ERP de CRM, on s’active pour rationaliser des comportements d’achat devenus irrationnels. De grands projets se dessinent sur les chaînes de production. Les notions de qualité de fabrication et du savoir faire réapparaissent. Considéré comme interface avec le consommateur final le réseau de vente s’instruit. J’organise des formations produit et des sessions de techniques des ventes. Je suis des stages de management pour devenir coach auprès de mes équipes. Les vendeurs deviennent des commerciaux, analysent leurs actions et rédigent des rapports de vente. Je leur parle de « one on one » ou de la prise en charge personnalisée du client.

2006
A présent est-ce le statu quo ? Des capitaux colossaux ont été investis pour construire cette industrie et son image. La « valeur ajoutée » est–elle devenue qu’une appellation qui permet de dégager d’excellentes marges ?
Les Marques ont été standardisé. Leurs dirigeants ont quasiment repris les méthodes de la grande distribution à tel point qu’en dépit d’une prise de conscience tardive, la surproduction d’objets lisses et sans surprise nous prive peut-être de futur.
Est-ce que le luxe pourrait cesser d’évoluer par crainte du risque alors qu’il fut à l’origine de cette industrie et marqua sa régénération constante?

Je suis devenue une professionnelle de ce secteur. Je me suis structurée avec lui et mes exigences se sont élevées au fur et à mesure de mon parcours.
Emue par le devenir de l’industrie du luxe et motivée par le désir d’excellence, mon nouveau défi est de participer à son renouvellement.

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